ANA | YAN

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Faire la différence

Assis bien relaxe sur le bord du lac, belle journée d’été, on parle de tout et de rien avec des amis et des nouvelles connaissances. On parle, on blague et on divague. De façon inattendue, la discussion prend un virage d’un sujet moins fréquent, c’est alors qu’une personne (connaissance) me demande comment est mon caca (bon, vous pouvez lire ici matières fécales, selles, excréments, mais je préfère être fidèle aux propos dits par la belle Josée.). Je me rappelle comme si c’était hier la face de ma bonne amie avec le regard impuissant et interrogatif, elle qui était la seule personne présente qui connaissait l’existence de ma stomie.

 

Je revois aussi le visage de Josée, celle qui m’a posé la question. Je la connaissais que depuis quelques moments. Elle ne savait rien de ma vie personnelle mis à part un séjour à l’hôpital pour une raison qui lui était inconnue. Lorsque mon amie m’a présenté Josée, je l’ai tout de suite apprécié grâce à son énergie, sa sensibilité, sa simplicité et son humour. Tsé quand tu as eu des montagnes russes au niveau de ta vie pendant plusieurs années, le compliqué, c’est refusé !

 

Bref, c’est la première fois qu’on me posait cette question. Étrangement, je n’ai pas hésité à lui répondre la vérité, sans gêne. Moi qui ai passé tant de temps à cacher les complications de ma santé, je me suis sentie tellement bien de nommer les choses. Je lui ai donc parlé de la maladie de Crohn, des opérations, de ma stomie et du blogue ANA qui m’aide pour extérioriser ce qui est emprisonné dans ma tête. Je le verbalise souvent comme un long voyage que je vis.

 

On connaît rarement les répercussions lorsqu’on s’ouvre à quelqu’un. J’étais loin de me douter de ce qui est arrivé.

 

Josée a tout de suite sauté sur l’occasion de me parler d’une fille dans son entourage, Sophie. Jeune adulte qui vivait des problèmes semblables à moi. Elle n’allait pas bien du tout, vraiment pas bien. L’équipe médicale lui avait déjà parlé de stomie, mais pour elle ce n’était pas une avenue à considérer. Elle a poursuivi ses hospitalisations jusqu’à en perdre sa qualité de vie. Josée s’est permise de lui parler de mon existence. Sophie était d’accord pour que je rentre en communication avec elle, chose que j’ai faite rapidement. Je me rappelle notre premier contact. Je pouvais tellement comprendre son malaise et ses questions. Je me suis reconnu en elle, à peine quelques phrases échangées. On a discuté, je lui ai expliqué le fonctionnement d’une stomie dans les moindres détails et de la façon la plus vulgarisée possible. On a parlé d’alimentation, de types d’appareillage, de temps de guérison, de sexualité et de toutes les autres précisions que j’étais en mesure de lui nommer. Elle sentait perdre le contrôle de son propre corps et je la comprenais à mille pour cent. Elle était au bout de sa route et devait prendre une décision. Quelques jours ont passé avant que je n'aille de ces nouvelles à nouveau. Elle avait finalement accepté le choix le plus logique tenant compte de sa condition, une stomie qui s’avérait temporaire. On s’est récrit par la suite, elle reprenait du mieux à chaque jour après avoir vécu quelques problèmes. Je me sentais tellement soulagée pour elle, je ressentais son mieux-être et ça m’apportait le sentiment d’avoir fait la différence dans la vie de quelqu’un. Je pouvais imaginer l’esquisse d’un sourire dans son visage, chose qui avait dû se mettre en pause pendant un certain de temps.

 

Si je me permets cet article, c’est pour te dire que nos embûches doivent servir de tremplin pour les autres. On vit des souffrances, des inquiétudes. On finit tout de même par voir la lumière au bout de la route et nous devons l’exploiter auprès d’autrui. La souffrance physique est temporaire et est plus facilement gérable avec un suivi médical. À l’opposée, à mes yeux, la santé psychologique doit être au premier plan de nos choix. Elle se doit d’être écoutée et entretenue. Sophie est arrivée dans une période plus grise de ma vie. Je venais de me faire installer une prothèse à la suite d’une hernie parastomale et j’avais de la difficulté (encore) à trouver le bon appareillage. Je traînais à nouveaux des tourments. De lui parler, de la conseiller et de la guider m’a ramené à l’essentiel pour retrouver mon bien-être. Un jour, on comprend que la vie, ce n’est jamais comme on pense ou comme on le souhaiterait. Il semble qu’il faut faire confiance et qu’on comprend toujours après un bout de temps. Sophie m’a récemment écrit. On lui a parlé de dire adieu à sa stomie. J’ai senti un énorme bonheur lorsqu’elle m’a écrit que finalement, elle s’était habituée et qu’elle l’aimait sa stomie. Elle avait traversé tant d’épreuves. De la lire s’est avéré pour moi un sentiment d’accomplissement, tellement plus grand que mes propres inquiétudes.

 

Josée, merci pour ta question cocasse qui nous a permis de nous rencontrer Sophie et moi. Ton ouverture et ta volonté d’aider a sans doute fait une énorme différence dans sa vie. (Et la mienne aussi !)

 

Sophie, je profite de cet espace pour te remercier à mon tour. On dit souvent que rien n’arrive pour rien, tu es en l’exemple. Bonne chance avec ton nouveau toi. Peut-être qu’un jour, j’aurai le plaisir de te lire ici xxx

Joannie