ANA | YAN

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LA STOMIE ET LA SEXUALITÉ

Chères lectrices,

J’espère que le premier billet vous a fait du bien autant qu’à moi. Puisque l’adaptation à une stomie (sacoche) apporte son lot d’émotions légitimes, je pense qu’il est important de continuer dans la compréhension et la normalisation de nos émotions.

Une fois passée (ou enclenchée) l’étape de l’apprivoisement de sa vie quotidienne, la majorité des gens vivant avec une stomie anticipent le moment de se réapproprier leur vie sexuelle. D’ailleurs, comment y arrive-t-on? C’est la question qui brule surement plusieurs lèvres. Mais, qu’est-ce qu’une vie sexuelle « normale » et épanouie? Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), trois éléments sont essentiels pour vivre pleinement sa sexualité :

1. Notre aptitude à profiter et contrôler pleinement notre comportement sexuel et reproducteur;  [le pouvoir de profiter pleinement des relations sexuelles]

2. Être exempt de peur, de honte et de toute culpabilité inhibant notre réaction sexuelle;  [éviter les attitudes qui nuisent à la survenue de relations sexuelles]

3. Ne pas être atteint de maladies ou toutes déficiences altérant la fonction sexuelle ou reproductrice. [Absence de maladie pouvant modifier les relations sexuelles]

Dans un premier temps, notre aptitude à profiter de notre comportement sexuel nécessite en soi une bonne connaissance de son corps et de ses zones érogènes. Il est vrai qu’après une (LA) chirurgie, le corps rencontre des changements qui modifieront assurément la façon de vivre son corps (de vivre dans son corps) et d’affirmer sa sexualité. Et de fait, si la sexualité demeure paradoxalement un sujet tabou dans notre société, elle l’est d’autant plus pour les femmes stomisées. Et pourtant, le fait que plusieurs personnes s’en soucient n’est-il pas un signe qu’il faut davantage en parler ? Parler de nos inconforts, de nos douleurs et des changements que l’on vit. Parler de notre peur de ne pas contrôler notre nouvel accessoire pendant l’acte (et des moyens pour y parvenir), la peur de se sentir moins désirable aux yeux de notre partenaire, la peur de devoir toujours s’expliquer et de ne plus jamais vivre notre sexualité. Parler pour se rassurer. Parler pour normaliser. Parler pour se réapproprier. Éventuellement, parler pour s’éveiller, pour s’allumer.

Car, et nous ouvrons ainsi la porte à la deuxième clause, il est vrai que la sexualité doit être une sphère exempte de peur, de honte ou de culpabilité. C’est en choisissant doucement le moment opportun pour ouvrir la discussion que cette dernière a le plus de chance d’être fructueuse et agréable. Ce faisant, on ne risque pas d’associer notre sexualité qui s’éveille à un évènement négatif, à quelque chose qu’on voudrait encore refouler. Il importe particulièrement que les moments intimes aient une connotation positive et réconfortante pour que l’on veuille les répéter.

Pour ce qui est du troisième élément, je l’endosse en partie et le répudie à la fois. Le faux-pas de l’OMS, je m’enfarge aux mots « déficience altérant la fonction sexuelle/reproductrice ». Bien qu’ils fassent référence à d’autres types d’évènements pouvant altérer la fonction sexuelle, je les trouve particulièrement mal choisis, surtout dans le contexte de réappropriation du corps. Et donc, ce que je trouve particulièrement manquant dans cette définition de la sexualité, c’est la place accordée aux différents états de santé et états d’être de notre société plurielle et diversifiée. Parce que l’on est différentes, est-ce que cela veut dire être condamnée à ne plus vivre pleinement sa sexualité ? Et puis plusieurs étapes charnières sont contraires à ce concept : la première fois, la grossesse, la ménopause ; elles altèrent, à leur façon, l’expérience du corps.

Enfin, qu’est-ce qu’une vie sexuelle épanouie ? Comment la vit-on pleinement ? Est-il nécessaire d’avoir une définition préétablie ou formelle ? Nos craintes découlent-elles encore une fois de standards trop rigides ?

Et si la sexualité était tout simplement une question d’attitude et d’acceptation ? L’acceptation de soi et de l’autre, un tout en harmonie, la cohésion entre deux individus où le contact humain, le confort et la sécurité sont des attributs d’une vie sexuelle épanouie. Finalement, la sexualité pourrait être purement et simplement un état d’esprit, un univers sans « fla-fla » qui se bâtit entre deux individus.

Amicalement,

Stéfanny