LE CHOIX D'UNE VIE
Mon adolescence sans iléostomie fut parfois difficile, même très difficile ! Mes parents, désirant revenir à leurs origines, ont décidé, l’année de ma remise en continuité, de déménager en campagne. Une petite fille de la ville, qui commence première secondaire dans une nouvelle petite ville de 3 000 habitants, blanche comme un drap dû à l'anémie, pesant à peine 88 livres… ça fait un peu peur et n’a rien pour aider à forger de nouvelles amitiés! Mais bon, il valait mieux en rire!
Contrairement aux autres adolescents, je m’acceptais bien, mais j’acceptais moins bien le fait de devoir me restreindre dans plusieurs activités. Cette remise en continuité qui était supposée me rendre «normale», n’était pas aussi magique que prévu. Ma « Jpouch », tel que discuté précédemment, n’a jamais performé dans son rôle, mais elle a créé un certain cercle vicieux. Plus j’allais aux toilettes non solide, plus mon anus se refermait, plus ma « Jpouch » s’irritait, et plus elle ne pouvait fonctionner tel que prévu. C’était merveilleux (phrase exprimée avec beaucoup de sarcasme) !
Être quasi incontinente à cet âge précoce où on découvre le monde, désire être avec nos amis, désire prendre notre place et où on apprend que nos hormones ont des sentiments pour les jeunes hommes, ce n’est vraiment pas ce qu’on appelle une adolescence de rêve. J’ai dû refuser à contre cœur plusieurs activités, par peur de ne pas trouver de toilette. Imaginez la honte de ne pas être capable de se retenir et avoir un dégât! Je ne pouvais même pas m’imaginer avoir un petit emploi d’été, qui voudrait embaucher une jeune fille qui serait toujours aux toilettes?
Orgueilleuse comme je le suis, j’ai souvent fais semblant que tout était ok, mais je pouvais vous dire exactement où se trouvaient toutes les toilettes les plus proches et combien de temps ça prenait pour m’y rendre, quelles excuses utiliser devant mes amis pour justifier mes petites absences soudaines et quels trucs fonctionnaients pour ne pas faire de bruit! hi hi hi! Parce que faire caca, même si tout le monde le fait, même la belle Angelina Joli, ça reste tabou et personne ne veut en parler!
L’année de mon cinquième secondaire, 17 ans, un phénomène étrange s’est produit; je sentais depuis un mois une grosse pression lorsque j’urinais et je n’étais pas certaine si, au moment d’uriner, des selles s’y retrouvaient… Un bon jour, j’ai donc décidé d’envoyer un courriel à mon gastro-entérologue pour lui demander si c’était possible. Une heure plus tard, le téléphone sonnait et il me disait: «Viens-t’en tout de suite à l’hôpital!» Une fistule s’était créée, dû à l’irritation, entre ma vessie et mon intestin (La fameuse « Jpouch »). En d’autres mots, j’urinais des selles. C’est alors qu’on m’annonça qu’on devait me remettre d’urgence une iléostomie temporaire.
J’étais triste et inquiète, même si je me souvenais que j’étais bien avec mon sac six ans auparavant, car désormais, les conséquences sur mes relations amoureuses et sexuelles étaient une préoccupation plus présente dans mon esprit d’ados bourrée d’hormones. Comment les hommes allaient-ils réagir!? Mais mon petit copain du moment, qui fut très réceptif dès le départ, a fait en sorte de m’aider à faire taire cette crainte, et de me redonner ce courage et cette aisance que j’avais à ma première iléostomie, à 11 ans.
Dès la première semaine, après la remise temporaire de mon amis «Tupperware», le bonheur se lisait sur mon visage : j’étais de nouveau LIBRE! Je n’avais plus de soucis, de crampes, d’envies, j’ai recommencé à manger la nourriture que je devais auparavant éviter. Les sorties en campings, les balades en voitures et les partys sur une île sans toilettes pouvaient maintenant faire partie de ma vie : BONHEUR!
Le médecin m’avait dit qu’il m’enlèverait de nouveau mon iléostomie un an plus tard. Cependant, plus je me rapprochais de cette date butoir, plus la tristesse était présente dans ma tête : je vivais enfin et j’étais si bien! J’avais peur de redevenir comme avant, peur de vivre toute ma vie à craindre les toilettes et m’empêcher plusieurs choses.
C’est alors qu’à 19 ans, je pris la plus grosse mais la plus belle décision de ma vie, celle de demander de garder mon ami l’iléostomie à vie!
Cet ami qui, aujourd’hui, me permet de faire le métier que j’aime plus que tout et de voyager à l’étranger pour celui-ci, plusieurs fois par année, et qui me fait aussi profiter de la vie sans gêne et sans restrictions!
Bien à toi mon ami «Tupperware» !