ANA | YAN

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POURQUOI J'AI DÉCIDÉ D'EN PARLER

La salle de bain est une place de solitude. C’est un endroit solitaire et c’est encore plus le cas quand on y passe une bonne partie de la journée. Durant mon enfance, j’ai toujours conservé une attitude discrète et j’étais énormément pudique en ce qui a trait au fonctionnement de mon corps. Je n’étais vraiment pas du genre à blaguer sur le sujet non plus. C’était bien avant que je ne sois diagnostiquée d’une maladie inflammatoire… Très rapidement, ce sujet n’avait plus de limites pour moi.

Mon besoin d’expliquer ma situation a été l’élément déclencheur de mon ouverture à en parler. Je tenais à clarifier pourquoi j’étais partie à la salle de bain aussi longtemps et pourquoi je devais y aller aussi souvent. Même lorsque les gens ne me questionnaient pas, je leur expliquais la raison de mes allées urgentes et fréquentes. C’était plus facile de l’expliquer que de passer pour une personne qui défèque beaucoup trop souvent.

Ce désir de partager a continué de grandir. En m’informant sur les maladies inflammatoires, les traitements disponibles, les chirurgies possibles ainsi que les procédures, mon savoir et mon vocabulaire se sont élargis. Au départ, j’étais perdue dans les termes et le jargon médical qu’utilisaient les docteurs et les professionnels. Graduellement, c’est devenu une nécessité d’expliquer mon processus et d’éduquer les personnes autour de moi. J’ai posé des questions et je me suis entourée de personnes qui pouvaient m’aider et me conseiller sur les prochaines étapes. Le choix de subir l’opération est difficile et je ne pouvais pas le faire seule. C’est en partageant et en parlant de ma maladie que je me suis aidée. Je devais être honnête avec ma famille et mes amis. Ainsi, je pouvais compter sur leur soutien inconditionnel.

Puis, j’ai commencé à écrire et me dévouer à offrir un aperçu d’un monde que plusieurs ignorent. Cette ouverture s'est rapidement élargie à un cercle plus grand. Non seulement de la famille et des amis, mais aussi des collègues, des pairs, des anciens camarades de classe et même des étrangers de partout dans le monde. Les gens ont commencé à poser des questions et j’ai été surprise par leur volonté à apprendre et à parler des maladies inflammatoires de l’intestin. Sans m’en rendre compte, plus aucun sujet n’était tabou et ne me dérangeait. Les barrières de ce qui était «approprié» se sont effacées et je parlais très ouvertement à ma nouvelle «communauté». Rapidement, les allers-retours à la salle de bain se sont transformés en chirurgies, en stomie, en fuites, en santé mentale, en sexe, en vêtements, en nutrition, et maintenant, en rétablissement. Ma vulnérabilité s’est transformée en émancipation et mon besoin de partager en besoin d’écouter les gens qui vivent des épreuves semblables aux miennes. 

J’ai découvert que plus je m’ouvrais sur mon expérience, plus les autres s’ouvraient à moi. J’ai fait la connaissance de personnes, que je n’ai jamais rencontrées, qui pouvaient me comprendre ou me supporter. Les gens se sont confiés à moi sachant qu’il est important d’en parler et, avant même que je m’en rende compte, cette petite communauté s’est agrandie. Nous avons commencé à construire des relations et à partager des histoires qui se sont transformées en «bagages» au-delà d'une stomie.

Je ne me sens plus isolée. J'ai distingué mon propre sentiment de compassion et d'empathie envers les autres, tout en espérant inspirer un sentiment de bonté et de considération chez les autres. La salle de bain n'est pas un endroit si isolé quand vous savez qu'il y a des gens qui vous attendent de l'autre côté de la porte.

Stacey

Présenté par : Centre de stomie de la Mauricie