ANA | YAN

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La chute de la reine de la montagne

Je me présente : je m'appelle Karine, j'ai 31 ans et j'ai reçu le diagnostic de la maladie de Crohn à l’été 2008. Avant cette date, je me tenais fièrement debout, bien droite, en haut de la montagne. Durant mon primaire et mon secondaire, j'étais en parfaite santé. En grande forme physique, je pratiquais plusieurs sports et j'avais une vie sociale bien remplie. J'étais une jeune fille très heureuse entourée d’une famille aimante.

Suite à mes études secondaires, il était évident pour moi que je voulais avoir une carrière dans le domaine de la santé puisque je suis une personne avec beaucoup d'empathie et, pour moi, aider les gens était naturel et valorisant. Je me suis donc dirigée vers des études en soins infirmiers. Un gros trois ans d'efforts pour enfin obtenir mon diplôme et ma licence d'infirmière. On est alors en 2007, tout va toujours bien côté santé et énergie : j'étudie à temps plein et je travaille également plus de 30 heures par semaine.

En juillet 2008, en plein milieu de mes études universitaires, la dégringolade a commencé. La reine que j'étais a commencé à avoir d'énormes douleurs abdominales, plus d’une dizaine de diarrhées sanglantes par jour et une perte de poids très importante. C'est après plus d'un mois d'hospitalisation qu'on m'annonça que j'étais atteinte d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin: la maladie de Crohn.

Commença alors le traitement de dernière ligne disponible : le Remicade intraveineux. La vie reprend ainsi son cours avec le défi de ralentir mon rythme de vie.

Entre 2008 et 2010, je suis en pleine adaptation. Je dois alors jongler avec les poussées actives de la maladie et les moments de rémission.  Je gère mes études universitaires et je travaille à temps complet tout en étant hospitalisée à plusieurs reprises pour des complications liées à la maladie ou simplement pour combattre toutes sortes de virus, car mon système immunitaire était affaibli par la médication.

Une grosse surprise m’attendait en septembre 2009: un bébé grandissait dans mon ventre malade. À ce moment, la vitesse de la chute de ma montagne s’accéléra à vitesse grand "V". La reine porteuse sombrait dans une grosse bataille contre une poussée très agressive de la maladie tout en étant enceinte. En juin 2010, à 32 semaines de grossesse, je faisais une réaction allergique au Remicade et suite aux examens, on me transporta d'urgence en salle d'opération, car mon intestin était fissuré, mon sang était infecté et on devait absolument sortir mon bébé qui était en détresse. Tout s'est passé tellement vite. J'étais en chute libre. À mon réveil aux soins intensifs, les médecins m'expliquèrent que mon intestin était tellement en mauvais état qu'ils ont dû en retirer une très grande partie et me faire une iléostomie.  

On s’est donc retrouvés, la reine ainsi que son petit prince, aux soins intensifs. J'étais dans le déni complet de mon iléostomie. Durant l'année qui suivi, je me donnai corps et âme dans les soins de mon nouveau - né tout en m'oubliant complètement. J'étais seulement une mère. Je n'étais plus une femme, je n'étais plus une conjointe, je n'étais plus une amie ... Les événements m'ont réduit à un tel point que je n'aimais plus la vie. Je me sentais terriblement mal à l'intérieur. Je pleurais en cachette tous les jours.

Je croyais avoir atteint brusquement le bas de la montagne, mais ma chute a créé un énorme trou. Du fond de mon cratère, un deuxième combat m'attendait: une dépression majeure et un choc post-traumatique.

C'est à travers mon histoire que j'aborderai le thème de la maladie mentale parce qu'être stomisée, par choix ou non, peut être très difficile à accepter. C'est également un tabou. Vous allez découvrir, au travers mes articles, comment j'ai réussi à sortir de mon trou, pour ensuite entamer une longue randonnée pour remonter la montagne. Je vous expliquerai aussi comment j'ai réussi à remettre ma couronne de reine et à me tenir bien droite, sur ma montagne.

Karine

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