La peur de retomber
Au moment d’écrire cet article, je suis assise dans la salle d’attente du CHUS pour mon rendez-vous de suivi annuel avec mon gastroentérologue. Cela fait trois ans que je ne l’ai pas vu. Trois ans que je n’ai pas réussis à avoir un suivi annuel. Trois ans que je contacte la centrale de rendez-vous en disant que j’ai des nouveaux symptômes qui sont apparus. Trois ans que j’essaie de comprendre les messages que mon corps m’envoie.
Durant ces trois dernières années, j’ai poussé les limites de mon corps. J’ai obtenu mon baccalauréat en Sciences infirmières en étudiant et en travaillant 7 jours sur 7 pendant des mois. J’ai travaillé des soirs et des nuits en accumulant les temps supplémentaires imposés. J’ai obtenu un poste aux soins intensifs. Bref, je suis fatiguée. Cette fatigue n’a fait que s’accumuler.
J’ai eu le malheur de prendre pour acquis que j’étais à nouveau invincible, que la maladie ne pouvait pas cogner à ma porte une seconde fois. Je croyais que ma stomie allait me permettre d’être en rémission complète pour le restant de mes jours. Mais non... je suis fatiguée et j’ai à nouveau mal au ventre.
Ce n’est pas le même mal de ventre que j’étais habituée auparavant. C’est un mal de ventre différent. Un mal de ventre qui te pogne dans l’estomac et qui te plie en deux, qui te donne la nausée, qui fait grimper ta peur de rechuter.
Au Québec, il est extrêmement difficile d’avoir accès à un médecin. Mon rendez-vous annuel s’est allongé sur trois longues années. Trois ans où je me suis demandé si j’étais en train de rechuter. La peur et la douleur ont fini par me prendre dans les tripes. J’ai, finalement, passé une gastroscopie et plusieurs prises de sang exhaustives.
Quel est le verdict ? Tout est absolument normal, sauf deux minuscules points rouges dans mon estomac. Et quel est le diagnostic? Une mini gastrite. À mes yeux, c’est un diagnostic posé pour ne pas banaliser mes symptômes et pour essayer d’expliquer mes maux des dernières années.
À la suite de mon rendez-vous «annuel», mon médecin avait deux hypothèses. Mon espoir d’avoir enfin des réponses à mes questions s’est vite estompé. La première hypothèse est que je souffre d’un trouble psychosomatique. En tant qu’infirmière, je sais très bien que cela veut dire que le problème découle de ce qui se passe entre mes deux oreilles. Mon médecin veut que j’aille une meilleure hygiène de vie et que j’apprenne à mieux gérer mon stress. La seconde hypothèse est la dyspepsie fonctionnelle. Ce trouble se résume à une dysfonction de la mobilité de l’estomac. Les symptômes (qui, selon moi, sont identiques aux miens) viennent et repartent de façon sporadique et imprévisible et il est impossible de le diagnostiquer avec les examens conventionnels de la médecine, car tous les résultats sont normaux. De toute façon, mon gastroentérologue ne veut pas me traiter de façon imminente pour la dyspepsie fonctionnelle, car mes épisodes sont encore trop espacés et qu’il a trop d’effets seconds à la médication.
Donc, la seule option qui s’offre à moi est d’écouter mon corps, de respecter mes limites, de gérer mon stress et de trouver un bel équilibre et hygiène de vie. Cette leçon m’a appris que c’est mon devoir de prendre soin de mon corps jusqu’à mes derniers jours. Elle m’a appris que je ne suis pas invisible. Je suis et je serai aussi vulnérable qu’au moment de l’annonce de mon diagnostic de maladie de Crohn.
Cette peur constante de rechuter est la raison pour laquelle je vais prioriser ma santé avant tout. Cette peur me rappelle à quel point la vie est si fragile, mais si belle quand on en prend soin.
Présenté par : Hollister