MA SACOCHE ET MOI
Il me fait plaisir de vous écrire ces quelques lignes pour la première fois. Vivre avec une stomie peut paraître inquiétant à plusieurs niveaux. En collaborant au blogue ANA & Moi, je souhaite vous accompagner dans votre période d’adaptation et de transition, répondre à vos préoccupations, vous aider à apprivoiser votre nouvelle vie, votre nouvelle image, votre sexualité et votre désir de devenir un jour parent. Une fois l’étape de l’acceptation passée, vous vous rendrez compte qu’il est possible de vivre avec une stomie et de continuer de vous épanouir, tant dans votre vie professionnelle que personnelle.
On passe toutes à travers des périodes de grands changements qui affectent souvent négativement notre estime de soi et notre capacité à nous sentir attirantes. L’adolescence, la puberté et le vieillissement sont des exemples d’étapes charnières qui se caractérisent par de profonds bouleversements physiques et physiologiques. L’adaptation à une stomie diffère un peu de ces étapes obligées, vous me direz, mais, comme tout changement ou toute nouvelle expérience, elle apporte son lot d’émotions légitimes. Ce que j’ai remarqué chez les jeunes femmes stomisées, c’est que c’est la crainte d’être « démasquée » qui apporte souvent insécurité, manque de confiance et un sentiment de perte de contrôle. Il existe heureusement des facilitateurs qui peuvent améliorer l’estime de soi. Nous en aborderons quelques-uns dans mes billets ultérieurs.
Une autre difficulté que j’ai pu observer chez les nouvelles stomisées est cette crainte de s’éloigner des standards de beauté prescrits par la société. En vérité, si l’on examine attentivement ces standards, on se rend compte qu’ils dessinent un monde exempt de différences, de particularités et de personnalité. Le moule trop rigide qui encadre l’image du corps féminin, de la drague et de la sexualité convient ainsi bien peu aux femmes, qu’elles soient stomisées ou non, mais je sais qu’il heurte l’estime de soi et trouble le processus d’acceptation que vous avez entrepris. Dans ce monde pour le moins inatteignable, celles pour qui l’image corporelle est un combat perpétuel voient leur estime particulièrement éprouvée, alors que celles qui entretiennent une relation saine avec leur corps ont une image d’elles-mêmes plus positive. Comme je l’ai mentionné plus haut, nous aborderons l’estime de soi au cours de notre cheminement ensemble.
Dans un autre ordre d’idées, il convient de mentionner que la société occidentale a développé des règles rigides (trop rigides?) d’élimination et de propreté qui entretiennent un certain complexe face à un mode d’évacuation différent, en l’occurrence la stomie. Dans l’entrainement à la propreté, on utilise souvent des mots à caractère négatif. Par exemple, le manque de propreté et l’incontinence sont associés à un mauvais comportement, un échec dans le contrôle de soi ou au vieillissement (aux maladies de «vieux»). Très tôt dans son développement, l’enfant est conditionné à voir négativement le geste de se salir et de souiller ses vêtements. La honte et l’humiliation qui accompagnent l’incontinence prennent racine dans notre éducation vigoureuse de la propreté. Si vous avez, à tort, l’impression de déroger à ces règles occidentales avec votre nouvelle stomie, dites-vous qu’il convient, pour se l’approprier, de la considérer comme une nouvelle partie de vous, comme un nouvel accessoire féminin à aimer… comme une sacoche.
Sur ce, je vous dis à la prochaine, pour une autre histoire de sacoche.
Amicalement,