CHÈRE MALADIE DE CROHN
Écrire a toujours été très thérapeutique pour moi, d’où mon admiration pour le blogue ANA & Moi. Dernièrement, j’ai retrouvé plusieurs journaux intimes que j’ai utilisés tout au long de ma convalescence et j’avais envie de vous transporter avec moi dans mes écrits. Bonne lecture!
À l’annonce du diagnostic :
«Chère maladie de Crohn,
Oui je te nomme, car tout le monde cherche tant à connaître ton identité. Tu as décidé de te loger en moi, comme ça, dans mon intestin. Tu faisais ta job comme tu le devais et tu le faisais même très bien. Chaque fois, tu commences en douceur, subtilement, et puis tu deviens féroce et sans pitié. J’ai lu que tu t’attaquais aux jeunes de 15 à 25 ans… Ça m’écœure de savoir ça! On se soucie déjà assez de nos plans d’avenir, mais là, en plus, on doit les choisir avec toi dans le décor...
Tu m’as fait souffrir, tu m’as laissé jeûner, tu m’as laissé vomir et chier le peu que j’avais dans le corps. Je mourais un tout petit peu à chaque jour pendant que tu profitais de mes intestins. Aujourd’hui, on m’a appris que je devais changer mon mode de vie et mon alimentation. Après tout le mal que tu m’as fait, tu m’obliges en plus à changer mes habitudes ? Je te trouve exigeant! Mais tu sais Crohn, je ne te verrai jamais comme mon ennemi. Tu seras toujours présent, mais mon identité personnelle ne se rattachera pas à toi. Je ne veux pas t’aimer, mais je ne veux pas te détester non plus. Je veux seulement que tu veilles en moi et que tu ne te réveilles plus jamais. Pour l’instant, tu m’épuises... Tu ne peux même pas savoir comment. J’ai hâte que tu te calmes. J’ai hâte de reprendre le contrôle de ma vie. Après tout, c’est mon corps et c’est toi l’intrus. Tu n’es pas le bienvenu ici!»
«Salut Crohn!
Je t’avais écrit une fois à l’hôpital de Verdun. Je ne te connaissais pas encore. Je te réécris, car on a pu faire un peu connaissance. Au début, tu m’as fait peur mais là, je ne m’attendais pas à ce que tu sois à ce point violent! Est-ce que tu voulais ma peau ? Les spécialistes veulent m’enlever un organe. Ça ne te tentait pas d’être un peu plus doux envers moi? La gentillesse, tu ne connais sûrement pas ça toi, hein? Quand tu décides de frapper, tu ne frappes pas à moitié. Tu es tellement têtu. Les médecins ne savent plus quoi faire avec moi. Les médicaments ne semblent plus faire effet. On attend…»
«Tu m’épuises. Je n’en peux plus. Arrête de me faire du mal. Je suis en train de virer folle. Je ne te souhaite à personne. Personne ne devrait connaître ces souffrances, ces angoisses et ces paniques à chaque crampe, de se lever le matin en remerciant le ciel d’avoir encore tous ses morceaux. Je ne le souhaite à personne… même pas à mon pire ennemi.»
«JE VOUS EN SUPPLIE MON DIEU, GUÉRISSEZ-MOI, JE N’EN PEUX PLUS!»
À quelque part entre mes 3 chirurgies :
«Je ne veux pas mourir… mais je ne veux pas vivre non plus.»
Durant l’année qui a suivi:
«Laurie-Anne. Mais quelle fille courageuse! Elle a traversé tellement d’épreuves ces deux derniers mois. Elle a sacrifié son côlon pour être soulagée… pour VIVRE!
Et pourtant, cette fille, c’est moi… Je ne sais pas pourquoi je n’arrive plus à m’identifier à elle. Je regardais mes photos hier soir et j’ai senti que ces souvenirs n’étaient pas les miens. C’était comme s’ils ne m’appartenaient plus. Je crois que les chirurgiens ont pris avec eux mon identité en même temps que mon intestin. Je trouve ça extrêmement difficile. Me regarder dans le miroir est devenu une tâche désagréable. Je suis angoissée à l’idée de ressembler autant à la fille d’avant. Je me sens si différente à l’intérieur…»
«Il y a maintenant 10 mois de tout ça. Pendant ces mois, je me suis demandée pourquoi. Pourquoi moi ? Pourquoi autant de mauvaises nouvelles ? Pourquoi devrais-je craindre la mort à cet âge-là? Je n’ai pas eu la réponse et je ne l’aurai malheureusement jamais. J’ai trouvé la vie tellement injuste envers moi. Pourtant, ces derniers temps, j’ai l’impression qu’elle essaie de se faire pardonner pour tout ce qu’elle m’a fait subir. Elle m’offre à nouveau une vie plus ou moins normale. Je suis de retour à l’école. Je suis en couple avec un gars qui m’aime telle que je suis. Je viens de me trouver un travail dans une boutique. Quelle joie, quel cadeau. Merci la vie pour tous ces hauts et ces bas!»
«Déjà un an que j’ai été diagnostiquée avec cette foutue maladie. Cette expérience m’a permis de m’ouvrir les yeux. Je ne vois plus la vie de la même façon. J’ai perdu cette naïveté d’avant. Je le sais maintenant que les malheurs n’arrivent pas juste aux autres. Je sais, aussi, que la vie peut être cruelle un jour et généreuse le lendemain. J’ai longtemps voulu un miracle. J’ai prié tous les jours pour qu’on me guérisse. Pourtant, j’ai décidé de vivre et de continuer à me battre quand j’avais toutes les raisons de lâcher prise. Je n’avais juste pas encore réalisé que le miracle, c’était moi.»