M. CROHN ET MOI

Avec le temps, j’ai pu constater que peu de gens peuvent réellement comprendre ce que c’est de vivre avec une maladie inflammatoire de l’intestin, à moins de le vivre soi-même ou d’être très proche de quelqu’un qui vit avec la maladie. En fait, comment les gens pouvaient-ils savoir que je vivais tout cela ? La maladie de Crohn n’est pas quelque chose de visible, alors si je n’en parlais pas, personne ne pouvait savoir que j’en étais atteinte. Et de toute façon, entre vous et moi, il est loin de s’agir d’une maladie très glamour. Les problèmes intestinaux sont même tabous, c’est un sujet dont on ne doit pas parler en public.

Dix ans à vivre avec la maladie, ça aura été toute une aventure :

  • J’ai vécu avec une douleur constante. Malgré tout, je répétais à mon médecin que j’allais bien parce qu’en étant malade aussi longtemps,  je n’avais guère le choix que de supporter ma douleur.
  •  Je devais respecter des contraintes alimentaires. Si à dix ans on vous disait que vous    n’êtes plus obligés de manger des fruits et des légumes crus et qu’à partir de maintenant  vous devriez manger des céréales de type Froot Loops, vous feriez probablement une petite  danse de la joie comme je l’ai fait à l’époque. Pourtant, cette alimentation combinée à une  prise de fortes doses de cortisone a fait en sorte que mon visage ressemblait étrangement à  celui d’un écureuil. Cette vie, à l’adolescence, m’a causé beaucoup de peine.
  • Je devais me rendre à l’hôpital à chaque mois pour réussir à contrôler la maladie.
  • J’ai ressenti la peur constante qu’un malheur puisse m’arriver à tout moment sans que  je n’aie aucun contrôle sur quoi que ce soit.
  • Le repérage de la salle de bain la plus proche est devenue la première chose que je    faisais dès l’arrivée dans un lieu public.
  • Je savais précisément combien de toilettes il y avait sur le trajet entre Beloeil et  Sherbrooke parce que quand il faut y aller, il faut y aller.
  • Je devais m’asseoir au bout des rangées quand j’allais au cinéma parce que je ne  savais pas à quel moment j’allais devoir me lever pour aller à la salle de bain.
  • Je  pouvais vivre une crise d’anxiété lorsque je réalisais que les billets que j’avais  achetés pour un spectacle se trouvaient en plein milieu de la salle. Évènement banal vous me  direz ? Jamais pour une personne qui est atteinte de la maladie.
  • J’ai vécu de beaucoup de stress. Malheureusement, la maladie de Crohn est intimement liée à la gestion du stress. Comme la maladie m’en occasionnait beaucoup, je devais vivre avec les conséquences sur ma santé.

En somme, ce qui a été le plus dur pour moi, c’est probablement l’absence de contrôle que j’avais sur ma propre vie. Je me faisais contrôler par cette maladie qui m’handicapait dans toutes mes activités. Quand à  20 ans tu ne peux plus faire des sorties avec tes amies par peur qu’il t’arrive un accident, tu te questionnes sérieusement sur le chemin que tu vas décider de prendre.

Pour moi, la vie avec la maladie de Crohn a été tout ça et plus encore… Mais tu sais quoi «Crohn» ? Je ne t’en veux plus parce que grâce à toi, je suis devenue la personne que je suis maintenant.

Élisabeth

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