TOI MOI ET LE SAC
Je ne vous apprendrai rien de nouveau en vous disant qu’à l’annonce de la stomie, on a tous déjà eu peur de reprendre nos activités sexuelles ou de rencontrer de nouveaux prétendants. J’avais 18 ans et j’étais célibataire au moment où j’ai appris que j’allais porter un sac à caca pour le restant de ma vie. C’était probablement le pire scénario pour moi. Je vais tout de même vous raconter mon histoire… pas seulement pour en parler, mais pour essayer d’aider quelques personnes qui auraient pu tomber dans le même pattern que moi.
Tout d’abord, j’ai commencé à fréquenter un garçon à ma quatrième chirurgie. On se parlait via appel-vidéo le soir quand j’avais des tubes qui me sortaient de pratiquement tous les orifices. Malgré mon apparence douteuse, il a souhaité me rencontrer et tout s’est passé naturellement par la suite. Au moment où nous avons décidé de former un couple, il avait perdu son emploi, ce qu’il la rendu plus disponible pour prendre soin de moi. Tout était parfait. J’étais convaincue d’avoir trouvé l’homme de ma vie : il m’acceptait. En effet, tout au long de la relation, j’ai reconstruit mon estime et ma confiance sur son amour. Je me sentais belle, car il me trouvait belle. Je me sentais désirée parce qu’il me désirait. Le voilà le fameux mécanisme à éviter : Je me suis engagée très rapidement dans une relation suite à la chirurgie et je n’ai pas eu le temps d’apprendre à m’aimer moi-même, indépendamment du regard d’un homme sur moi.
Au bout d’une année, notre couple n’allait plus bien pour des raisons personnelles. Je suis restée quelques mois de plus en sachant très bien que j’étais malheureuse. J’avais peur de me retrouver seule avec mon sac. Perdre mon copain équivalait à la perte de mon estime et de tout ce que j’avais bâtis cette année-là. Nous nous sommes finalement quittés lorsque c’est devenu trop difficile. Il m’a dit que je ne devrais pas le quitter, car il était le seul qui m’acceptait comme j’étais. Il était bien conscient de ma grande fragilité… Il m’a aussi dit qu’il avait peur que je me fasse rejeter par un autre garçon, car j’en serais démolie. Il avait probablement raison.
Quelques semaines plus tard, j’ai eu mon premier one night à vie! On m’avait dit qu’avec une stomie, je ne pourrai jamais avoir ce genre de pratique sexuelle. Je peux vous dire qu’il ne faut jamais dire jamais. Ne vous empêchez pas de vivre votre vie à cause de l’appareillage qui pend à votre ventre.
C’est à partir de cet événement que j’ai enfin pu commencer à rebâtir mon estime. J’ai appris à m’aimer et à m’accepter. Je n’ai plus besoin du regard d’un homme sur moi pour être bien dans ma peau. J’ai rencontré quelques garçons, par la suite, et aucun ne s’est arrêté au fait que j’avais une stomie. Jusqu’à ce jour, mon ex avait tort. J’ai encore un peu de travail à faire sur la grande nouvelle, le coming-out de ma stomie, à chaque fois que je rencontre une nouvelle personne, mais si on l’annonce positivement et avec confiance, personne ne devrait s’y arrêter. Si jamais vous vous faites rejeter, c’est seulement parce que cette personne ne vous méritait pas et qu’elle n’avait pas la maturité nécessaire pour faire partie de votre vie. Nous méritons tous quelqu’un qui nous aime comme nous sommes et qui nous accepte. Mais n’oubliez jamais : acceptez-vous avant n’importe qui d’autre.
Ce qui compte le plus, c’est le regard que l’on porte sur soi-même.