Vous avez dit quoi? Le C***** ?

Un matin de mars 2017,  je remarque avec surprise du sang dans mes selles. Rendez-vous avec un médecin qui me rassure après examen, «ce sont de banales hémorroïdes madame.»  Sur le coup je suis rassurée, mais quelques jours plus tard je me mets à en douter. J’y retourne, mais cette fois-ci au privé. Sans médecin de famille on veut être rassurée pour faire confiance au système.  Je demande à mon amoureux de m’accompagner, la médecin de garde m’examine, «faut pas s’inquiéter madame ce sont des hémorroïdes et 50% des gens de votre âge en ont». Eh bien! 

Comme plusieurs personnes, je fais mes propres recherches sur internet et avec frayeur je reconnais les signes du cancer du rectum.  J’essaie de me raisonner,  mais je n’y arrive pas. Je prends donc un rendez-vous avec un chirurgien qui traite les hémorroïdes puisque  «faut pas s’inquiéter madame ce sont des hémorroïdes». Trois semaines plus tard ce chirurgien m’examine, cesse l’examen me dit qu’il n’aime pas ce qu’il palpe et  qu’il va me référer rapidement  à son collègue à l’hôpital pour une coloscopie en urgence.  J’ai l’impression de regarder un film de série B avec de très mauvais acteurs. J’ai peur.

Dans la même semaine je rencontre le 2e chirurgien,  calme, souriant et humain. C’est lui qui m’annonce, à la suite des examens, que c’est un cancer du rectum. Un quoi? Je vois mon amoureux  qui regarde le chirurgien et moi je ne comprends plus ce qui se dit,  j’ai entendu le mot  «cancer» et j’ai compris que ma vie, en ce jeudi pluvieux de mai, venait de se briser.

-          «Est-ce que je vais mourir?»

-          On va terminer tous les examens mais je vais vous opérer et fort possiblement vous aurez une stomie. 

-          Ah bon…une stomie, c’est quoi une stomie ?

Pour la première fois de ma vie je réalise ce que c’est d’avoir peur de mourir. Dans l’auto au retour, un cri de mort.  Le soir dans mon lit, un Ativan.

Et voilà, le début de cette aventure pour laquelle je n’étais pas préparée.

On m’a prescrit 6 semaines de radiothérapie chaque jour avant la chirurgie. Étant en grande forme physique, je me prépare comme pour un marathon. Chaque jour je monte les côtes du vieux Québec avant mon traitement de radiothérapie, je vous assure que je suis sur toutes les photos de tous les touristes de cet été-là. La guerre était déclarée,  j’étais parachutée en terrain hostile face à l’ennemi,  sans arme,  mais confiante.

L’été a passé et je fus finalement  opérée le 12 septembre 2017. J’ai rencontré la stomothérapeuthe  seulement la veille de ma chirurgie pour le marquage de l’emplacement pour la colostomie. Lorsqu’elle m’a montré une stomie en caoutchouc j’ai dit tout haut «on dirait un jujube!»  Là, j’ai pleuré quand elle a fait le X rouge sur mon ventre, je crois que c’est à ce moment-là que j’ai réalisé toute  l’ampleur de ce qui m’attendait.

Je suis montée seule au bloc opératoire, non merci pas de brancardier, je voulais garder tout ce qui me restait de contrôle sur la situation.  Ascenseur direct pour le bloc, 3e étage… encore le temps de me sauver. Je fus opérée, débarrassée de ce foutu cancer de merde, une chose est certaine, on ne me dira plus jamais  «ce sont des hémorroïdes madame». Je suis revenue chez moi  avec cette étrange chose sur mon ventre.  Ok… un jujube ..eh bien. Je suis en vie!

Amenez-en des collerettes mais aidez-moi à les installer correctement parce que je suis totalement dépassée. Une semaine après le retour chez moi et étant de plus en plus souffrante je suis à nouveau hospitalisée, déhiscence de la plaie périnéale,  22 jours à l’hôpital, installation trois fois sous anesthésie générale d’un VAC pour accélérer la guérison de la plaie en évitant l’infection.  Ma grande peur étant de perdre des forces,  alors je marche. Je marche environ 5 kilomètres par jour dans les corridors, les infirmières et les préposés font des blagues, demain je vais courir c’est certain!  Je serai en permanence attachée à cette machine, je suis toujours aussi confiante et combative, mais fatiguée.  

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Seule dans ma chambre je me régale de bonbons. Mon amoureux me ravitaille avec des Life Savers, et j’ai cette révélation :  ma stomie est un Life Savers rouge.  Le nom prend alors tout son sens, je souris mais surtout j’ai la vie sauve avec mon Life Savers sur le ventre.

Monique

Présenté par : ANA