Anxiété

Les maladies inflammatoires et les stomies sont des sujets tabous. Lorsqu’on parle de santé mentale, l’anxiété et la dépression subissent le même sort. Pour des raisons non justifiées, les maladies inflammatoires de l’intestin ainsi que la maladie mentale sont jugées et étiquetées. Comme si les patients exagéraient d’emblée leurs symptômes et la sévérité de la situation. Les gens identifient les envies pressantes à simplement aller à la salle de bain. Tout comme ils croient que la dépression c’est juste avoir une mauvaise journée. Ou la fatigue chronique à être simplement fatigué. Ou l’anxiété à des inquiétudes insignifiantes. Pour des raisons que j’ignore, ces maladies sont minimisées et catégorisées comme des symptômes déguisés ou même de comportements hypocondriaques. Je crois que ces maladies intestinales sont traitées comme les maladies mentales pour les mêmes raisons. On n’en parle pas assez!

La première fois que j’ai ressenti des symptômes de MII, j’ai attendu une année entière avant d’en parler à quiconque. Je pensais que les symptômes disparaîtraient par eux-mêmes, ou que le pire m’était arrivé… (si vous «googlez» les symptômes, les premiers résultats de recherche sont le cancer). Je ne savais pas non plus comment en parler avec dignité à quiconque que je saignais du derrière et que je n’avais aucune idée pourquoi. Puis, est arrivé un point où je ne pouvais plus le garder pour moi, les traces de sang étaient maintenant abondantes. C’est là que j’ai décidé d’en parler à quelqu’un… ma mère. 

Quand j’ai commencé à ressentir de l’anxiété, j’ai encore une fois patienté longtemps avant d’en parler et chercher de l’aide. Pendant un moment, je croyais que j’exagérais ou même pire, que je perdais la tête. Encore une fois, je ne savais pas comment m’adresser à un proche pour lui dire que ma tête et mon cœur ne connectaient plus. Entêtée, j’ai fini par comprendre que ça n’allait pas du tout. Je me suis alors retrouvée à un point où tout était flou, je ne portais plus attention à rien, j’étais crispée et pour aucune raison particulière, j’étais anxieuse à tout moment de la journée. J’ai enfin décidé d’en parler à quelqu’un… ma mère.

Évidemment, dans les deux cas, les mères savent toujours quoi dire: va voir le docteur! Et dans les deux cas, ça nous amène éventuellement à un diagnostic. Après une batterie de tests, on m’a annoncé que je souffrais d’une maladie inflammatoire de l’intestin et par la suite, on a découvert que je souffrais d’anxiété généralisée avec une légère dépression. L’affaire c’est que les deux diagnostics sont hypers tabous. Personne n’en parle. Ça m’a pris des années pour avouer que j’avais une diarrhée quotidienne et que je devais aller à la toilette 20 fois par jour. Je devais en plus, tant bien que mal, trouver les mots pour dire que mon cerveau en était affecté lui aussi, mais que ça ne me rendait pas «folle» pour autant.

L’anxiété c’est comme un gros nuage sombre au-dessus de notre tête comme si une tempête arrivait spontanément hors du radar. Aucun météorologue n’avait prévu une mauvaise température, mais tout d’un coup, ça nous déferle dessus. J’avais l’impression d’avoir déjà travaillé 3h quand pourtant je venais juste de me réveiller. C’est comme ressentir que tu es chaud un jeudi matin, incapable de te rappeler de la veille et incapable de te concentré sur une tâche simple, comme répondre à un courriel. C’était comme si quelqu’un était assis sur ma poitrine ou comme si je portais des poids aux chevilles.

Pour une personne atteinte d’une MII ou qui porte une stomie, c’est l’impression que tu n’arriveras jamais à la toilette à temps. Comme si tout le monde savait lorsque que tu as une fuite. L’inquiétude que tu ne serais jamais capable de payer pour tous les frais des appareillages nécessaires. Penser que tes pantalons ne seront plus jamais confortables. Que tout le monde te fixera continuellement. Que ta vie est sur «pause» pendant que tous tes amis vivent leurs meilleurs moments. Comme si TOI tu n’aurais plus jamais une vie normale et en santé.

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C’est dur d’en arriver à l’acceptation avec l’un ou l’autre de ces diagnostics, mais c’est aussi difficile d’en venir à choisir le traitement. Je ne peux pas vraiment donner de conseils parce que le traitement de ma MII résulte de plusieurs tentatives qui ont échouées et éventuellement 3 chirurgies. Pour le traitement de ma tête, c’est toujours en cours et j’évite de prendre des antidépresseurs de toutes mes forces. Je n’ai rien contre ceux qui en prennent, d’ailleurs vous êtes plus braves que moi. Je peux cependant me permettre humblement de dire que d’en parler et d’être honnête ça l’aide. J’ai rencontré plus de personnes ayant une MII ou une stomie que je n’aurais pu imaginer. Il y a beaucoup plus de personnes qu’on ne le pense qui sont concernées par l’épreuve qu’est la maladie mentale (stomie ou non), qui peuvent offrir une oreille attentive ou un cœur rempli d’empathie.

Tout le monde traîne un petit bagage et certaines personnes le traînent avec leurs mains, d’autres leur estomac, leur cœur ou leur tête. Je vous confirme que nous avons chacun à notre manière fait face à l’adversité ou des épreuves et qu’on peut apprendre les uns des autres si nous prenons une pause et que l’on écoute nos histoires. La maladie mentale et les MII sont étroitement liées et il est grand temps que nous parlions d’eux comme nous parlons d’une jambe cassée ou d’une infection des sinus. Vous devez nous supporter parce que nous sommes blessés et malades, nous devons prendre un temps de repos, nous devons trouver un traitement, nous avons besoin de temps, nous avons besoin de guérir… et évidemment besoin d’une maman.

Stacey

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