LA PEUR DE L'INFERTILITÉ

Je vous ai régulièrement parlé de la délivrance que m’a apportée mon ami le Tupperware. Cependant, comme toute bonne chose, il y a parfois un petit côté plus obscure que l’on essaie parfois d’oublier, car on se dit «Hey ho! Je suis en vie!»

Ce côté sombre, que même des femmes non-stomisées craignent, est celui d’être incapable de pouvoir donner la vie à notre tour, de pouvoir donner naissance à un «mini-nous», un petit être fragile autour duquel tout notre univers tournera et qui fera grandir cette société.

Ayant eu une iléostomie, poche en J, une remise en continuité très jeune (trio d’opérations causant un haut risque d’infertilité en raison des adhérences que ces opérations apportent), cette grande crainte est donc tombée sur moi avant même que je sois en âge d’y penser. Depuis l’âge de 12 ans, je sais qu’il me sera impossible d’accomplir naturellement l’un des plus grands et des plus beaux accomplissements d’une femme, soit celui de mettre au monde un enfant.

Adolescente, on ne comprend pas tout l’impact que cela aura sur nous en tant que femme. On le prend en riant, en se disant qu’au moins on ne pourra pas faire de gaffes. Plus les années avancent, plus ce sentiment étrange de manque apparaît, mais on se dit encore «au moins, j’aurai une belle carrière». Mais lorsqu’on rencontre un homme avec qui on se sent bien et qu’on voit en lui qu’il serait un si bon papa, la réalité nous rattrape de plein fouet: je voudrais être une bonne maman moi aussi!

Pour une des premières fois de ma vie, je me suis dit : «Pourquoi moi?» Je dois déjà porter un sac sur mon ventre en permanence, pourquoi est-ce que la chose la plus simple et naturelle en tant que femme m’est impossible? C’est alors que je me suis souvenue de toutes ces années d’opérations et de restrictions. J’ai de nouveau réalisé que je suis fière de moi, malgré tout. Je suis fière d’avoir fait tout ce chemin, d’avoir un métier que j’adore, de vivre ma vie à fond. J’ai réalisé que mon infertilité ne me définit pas et ne diminue pas mon statut de femme. Ce n’est qu’un obstacle sur ma route vers la maternité. Et un obstacle, ça se contourne ou se surmonte!

Il y a deux ans, mon copain et moi avons donc fait le grand saut et avons débuté une procédure In Vitro… qui s’est malheureusement avérée être sans succès. Ce fut d’une tristesse déchirante, mais nous savions que cela pourrait prendre quelques essais. Je suis faite forte!

Quelques mois plus tard, nous avons tenté notre chance à nouveau. L’intervention fut, malheureusement, négative à nouveau. Mélange d’hormones et de déceptions, cela a été beaucoup plus difficile sur moi que la première fois, autant mentalement que physiquement et monétairement. Beaucoup d’efforts, de douleur, d’investissement et d’espoirs, tous sans succès. Puis s’est mélangé à ce bouquet d’émotions un sentiment totalement nouveau: la peur. La peur d’être enceinte, la peur que ce petit amour, que je désire tant, m’apporte tout plein de complications médicales en prenant place dans mon ventre. Bref, tout cela a fait en sorte que nous avons décidé de prendre une pause.

Une pause qui m’a remise en question… et qui m’a permis de faire des recherches. Des histoires de grossesse avec une stomie, il y en a peu… très peu! Mais j’ai fini par trouver les témoignages de plusieurs mamans, et de pouvoir y lire que toutes n’avaient pas regretté leur choix et que toutes n’avaient pas eu de réelles complications. Du moins, pas celles que je m’imaginais. C’est alors qu’un petit regain d’espoir s’est installé en moi. Je me suis dit : «On essaie une dernière fois! » Qui sait, comme le vieux dicton le dit : jamais deux sans trois! La troisième sera peut-être la bonne. Non, pas peut-être… elle sera la bonne!

Et puis sinon, et bien mon cœur est assez grand pour accepter un petit amour qui n’a pas la chance d’avoir une famille biologique!    

Trois cœurs comblés, qu’ils partagent le même sang ou non, n’est-ce pas une belle histoire?

 Geneviève A. 

Ce billet est présenté par notre partenaire : Centre de Stomie de la Mauricie