À L'AUTRE BOUT DU MONDE
Ma mère a commencé à faire des pieds et des mains pour s’assurer que sa bru adorée reçoive les meilleurs soins possibles. J’ai d’ailleurs toujours aimé avoir une mère infirmière qui en connaît beaucoup sur nos « bobos» et qui possède une liste inépuisable de contacts qui travaillent dans le milieu de la santé. Un beau jour, elle est arrivée avec une solution quasi-miraculeuse en nous racontant l’histoire d’une de ses amies. Elle a convaincu Andréanne d’aller consulter au Centre hospitalier de Sherbrooke, puisqu’il semblait y avoir là des expertises inégalables. Il faut savoir que le C.H.U.S. est à deux heures de route de notre domicile. Mais bon, vu les circonstances, on en était rendus là… pourquoi ne pas essayer?
Un bon matin, ma belle Andréanne, 40 livres en moins, est partie de la petite Beauce avec sa maman avec son dossier médical, épais comme une bible, en direction de Sherbrooke pour rencontrer une nouvelle gastroentérologue. Honnêtement, je crois que ce médecin s’est avérée être un ange dans sa vie. Lorsqu’ Andréanne est entrée dans ce centre hospitalier, ce ne fut que pour en ressortir plusieurs semaines plus tard avec un état de santé beaucoup plus stable.
La table étant mise, je voulais principalement vous parlez du fait d’être à l’autre bout du monde. Parce que oui, même si on n’était qu’à deux heures de route l’un de l’autre, j’avais l’impression d’être à des milliers de kilomètres. J’étais inquiet, puisque je savais que la femme que j’aimais était loin, seule, à vivre une expérience très difficile. Par chance, j’avais l’esprit plus tranquille en sachant que mon frère, infirmier au CHU Fleurimont, et mon beau-frère, qui était étudiant à l’Université de Sherbrooke à cette époque, lui rendaient visite régulièrement. Sans compter tous les allers-retours que ma belle-mère et mon beau-père se tapaient plusieurs fois par semaine pour accompagner Andréanne dans ses examens médicaux. Moi, j’étais où ? Retenu au travail, à essayer d’amasser suffisamment d’argent pour entreprendre ma première année universitaire. C’est ce qui est difficile lorsque la maladie frappe: la terre n’arrête pas de tourner. Il faut continuer à avancer dans le train-train quotidien en plus d’avoir à gérer les nouveaux rendez-vous et être présent pour soutenir la personne qui nous est chère.
Être à l’autre bout du monde, lorsque ta blonde est malade, c’est un feeling vraiment déstabilisant. Je n’ai pu la voir qu’une seule fois durant sa période d’hospitalisation. Heureusement, on se parlait tous les jours par téléphone. Je vous dirais que la fois où j’ai été la visiter fut l’une des pires journées de ma vie. Elle était assise sur son lit, toute belle, comme à l’habitude puisqu’Andréanne est une femme très fière. Elle arborait un beau sourire. Lorsque je l’ai vue, je me souviens être retombé en amour avec elle encore plus fort que lorsque j’avais 8 ans. Elle était bien coiffée et bien maquillée, vêtue de son pyjama qui flottait sur ses os. Cette fois-là, on a discuté de ce qui s’en venait : sa chirurgie pour avoir une stomie. Il s’agissait de l’une des deux seules options qui lui restait: soit mourir, soit avoir une stomie. Ça sonne dramatique, mais c’est vrai!
Je vous épargne tous les détails de nos discussions, parce qu’on n’a pas seulement parlé de ce qui nous attendait. Mon but, cette journée-là, c’était aussi de profiter de chaque moment avec la femme que j’aimais, tout en me rassurant en me disant que la prochaine étape ne serait pas si pire que ça…
J’étais beaucoup, même extrêmement craintif face à la stomie. J’ai toujours été une personne qui déteste les hôpitaux et les maladies. J’avais très peur de ne pas être capable de la regarder comme avant, de ne plus être en mesure de la voir comme la femme que j’ai toujours aimée.
Après quelques heures avec elle, j’ai décidé de quitter l’hôpital puisque j’avais déjà passé beaucoup trop de temps dans cet endroit que j’évite le plus possible, et ce, même si j’ai une famille de professionnels de la santé. J’ai donc embrassé, cajolé et dit je t’aime à la future mère de mes enfants en espérant toujours autant l’aimer lorsqu’elle aurait sa stomie.
Je suis donc reparti pour la Beauce, un deux heures de route pendant lequel j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pour la première fois de ma vie, tout en essayant de rester positif malgré notre situation plus que déstabilisante. Je me rappellerai de cette journée toute ma vie : la fois où j’avais l’impression d’être complètement à l’autre bout du monde.