OPÉRATION CHEMIN DE LA DÉLIVRANCE

Dans la vie, nous devons sans cesse faire des choix. Il y a quelques années j’ai eu à faire un choix : avoir une stomie et me lancer sur un chemin l’inconnu, ou continuer à vivre dans la douleur restreignante? Ce que j’appellerai en d’autres mots, le malheur confortable.

Lorsqu’un choix s’impose, automatiquement on gagne quelque chose, mais on perd aussi assurément autre chose. Les deux vont de pair. On peut sélectionner la meilleure option qui s’offre à nous selon le meilleur de nos connaissances, mais ce choix vient avec son lot d’avantages et d’inconvénients. À chaque fois, nous devons laisser de côté ce qui nous semble moins important selon le contexte,  sans pour autant avoir la certitude que cette décision est celle qui nous rendra la plus heureuse. Faire face à l’inconnu et se lancer dans le vide a tout d’épeurant, mais en même temps, que pouvait-il m'arriver de pire que mon état de santé? Bref,  j’avais tout à gagner n’est-ce pas ?

Comme vous voyez, c’est loin d’être une décision qu’on prend sur un coup de tête… Après mûres réflexions, en 1995, le 15 juin plus précisément, ma vie comme je l’avais toujours connue a disparu pour faire naître un nouveau corps, une nouvelle femme.

Du haut de mes 22 ans, j’habitais Toronto et tout était possible. Cependant, en choisissant l’opération, j’étais persuadée de ne plus avoir de rapports intimes et encore moins de trouver un partenaire qui voudrait de ce corps... Pour pallier à cette idée insensée, je devais moi-même retrouver cette beauté intérieure, toutefois je vous reparlerai de ce sujet dans un autre article.

L’opération fut longue et dura 7 heures. Disons que j’étais maganée «en dedans», car mon corps avait énormément d’adhérences. Un peu comme des fils d’araignées qui comblaient tout l’intérieur de mon ventre, et cela rendait le processus difficile et le chirurgien devait très minutieusement procéder sans couper ma vessie ou d’autres parties internes de mon corps. Un travail de grand chirurgien et j’avais, selon moi,  le meilleur!

Finalement tout s’est bien passé. En route vers ma chambre d’hôpital, dans le couloir de mon petit œil encore endormi, je pouvais voir ma mère qui m’attendait près de la porte. Pour la protéger, j’ai instinctivement couvert mon ventre pour lui cacher ma stomie. Moi j’étais faite forte, mais pas elle, je savais que c’était dur pour un cœur de maman et je me devais de la protéger.

Puis enfin installée sur mon lit,  seulement quelques heures après mon opération, paisiblement couchée, encore endormie par l’anesthésie,  j’entendis des pas décidés arriver vers moi. En ouvrant les yeux, la première personne que je vis était une grande infirmière deux fois ma grandeur avec un air endurci et un ton de voix qui fait peur me dire en anglais : «Get up !!! You have to walk !!»

 À ce moment-là, je me suis réellement demandée si j’avais pris la bonne décision et je me suis dite : «Oh là, la !!! Qu’avoir su je n’aurais pas fait ce choix-là…» Pourquoi? Parce que  lorsque nous recommençons à marcher les gaz d’anesthésie trouve un tout nouveau chemin pour sortir… ensuite arrivent, avec ce nouveau chemin, les grosses crampes et le fameux apprivoisement de cet appareillage désormais collé à moi …pour la vie! Non vraiment pas un choix de premier choix, pardonnez le jeu de mots.

Finalement cette  infirmière savait très bien quoi faire et grâce à ses bons soins elle est devenu mon amie, mon professeur, ma forteresse que je n’oublierai jamais et je la remercie encore de m’avoir aidée à passer ce moment intense en émotions de ma vie!

Les sacrifices sont grands, mais les avantages le sont encore bien plus. Terminée la douleur constante. Maintenant je peux prendre de longues marches, je peux faire du sport, voyager et tellement plus! Sans oublier l’essentiel : je peux dormir toute une nuit entière!! Avant je devais me lever en moyenne de 7 à 8 fois par nuit pour aller à la salle de bain. Quel bonheur d’avoir le temps de rêver !

Fini l’incontinence. Maintenant je le fais où et quand mon intestin le désire et ce en toute discrétion et sans odeur. Lorsque bien utilisé et bien nettoyé rien n’y paraît.

Oui j’ai un régime alimentaire quelque peu strict, mais quelle femme n’a jamais suivi de régime? C’est une habitude à prendre et il suffit de substituer les aliments pour d’autres que j’aime autant. En toute honnêteté, je vis très bien avec cela.

C’est un choix que j’ai fait malgré la peur qu’elle donne. Malgré l’inconnu angoissant comme j’en parle en introduction. Sachez que si c’était à recommencer,  je le ferais de la même manière. Sinon j’aurais manqué la chance de ma vie, de ma NOUVELLE vie !

Geneviève B.