UNE BELLE TÊTE DE COCHON
J’ai une tête de cochon, mais il m’arrive d’en prendre conscience, parfois.
Lorsqu’on m’a parlé de l’opération pour la première fois, j’ai refusé de voir la réalité en face et je me suis dit qu’on finirait par trouver le remède miracle pour moi. Pourtant, aucun des traitements par lesquels j’ai passé n’a donné les effets escomptés. J’en suis donc venue à croire que je devais vivre ma vie avec le contrôle de la maladie.
Comme à tous les étés, depuis quelques années, je souhaitais aller en vacances en famille à Old Orchard Beach. Ma famille et mon copain m’ont demandé si j’étais certaine de vouloir y aller, mais ma tête de cochon et moi, on avait décidé qu’on y allait.
J’ai passé de belles vacances parce que j’étais avec ceux que j’aime le plus au monde et parce que, comme toujours, j’ai pu compter sur leur soutien. Je ne crois pas sincèrement qu’ils avaient envie de ce séjour, mais ils l’ont fait, pour me faire plaisir, et ça m’a fait plaisir.
Bref, j’ai choisi d’y aller, mais avec du recul, je sais pertinemment que ce n’était pas la meilleure des idées. Je n’avais pas la force de me tenir debout pour faire les magasins, je devais faire des siestes en cours de journée, car j’avais épuisé toute mon énergie et j’ai causé une conduite dangereuse parce qu’on devait me trouver des toilettes à la minute près où je disais que je devais y aller.
De retour de notre périple écourté, j’étais sur le point de commencer ma première session à l’université. J’ai toujours été très assidue dans mes études et il était hors de question que je retarde mon entrée. Je me croyais capable de le faire et je voulais m’assurer d’avancer au même rythme que mes pairs qui débutaient leur cheminement.
J’ai alors eu une discussion des plus honnêtes avec mon copain. Je me devais d’entendre un discours direct et ma tête de cochon aussi. Il avait raison ; je n’avais pas les capacités de commencer l’université… je n’aurais même pas été en mesure de me rendre seule en voiture à Sherbrooke. Je devais prendre le temps de guérir et c’est maintenant que je devais le faire. C’est une option qu’il était impossible de remettre à plus tard, mais mon entrée à l’université, par contre, c’était possible.
À partir de cette prise de conscience, j’ai eu tout le temps de réfléchir et de prendre du temps pour moi. J’avais dû retarder ma session, j’avais eu à quitter mon travail plus tôt dans l’été et toutes les activités, aussi banales qu’elles soient, m’étaient impossibles à réaliser. Dès mon entrée à un nouveau centre hospitalier, on m’a reparlé de l’opération, mais j’avais déjà apprivoisé l’idée et je me sentais prête. Je savais que c’était pour le mieux et je savais que tout allait changer.
J’avais bien raison, tout a changé pour le meilleur. J’ai entré à l’université la session suivante, comme prévu, j’ai recommencé à faire toutes les activités que je désirais et j’ai pu retravailler sans subir le stress d’avant.
Je suis aujourd’hui stomisée, je me sens bien, et ça, ce n’est pas ma tête de mule qui me le fait croire. Je le sais, je l’ai bien vécu et personne ne pourra me faire changer d’idée.